le recyclé s’invite dans nos tiroirs et la communication de toutes les marques, comment lire cette tendance ?
dans notre enquête de décembre 2024, vous étiez 53% à citer l’utilisation de matériaux recyclés comme étant le signe de pratiques durables.
depuis quelques années désormais j’ai appris 2 ou 3 choses au sujet du recyclé que je souhaitais vous partager :
- la différence entre pré-consumer et post-consumer est fondamentale quand on parle de recyclé
- la production de fibres recyclées a un impact socio-environnemental moindre que la production de fibres vierges, mais l’écart n’est pas aussi élevé qu’on le croit
- les fibres synthétiques recyclées puisent dans les ressources d’autres secteurs (bouteille plastique entre autres) ce qui ne fait que déplacer le problème de la production de plastique sur Terre…
avant propos : loin de nous l’idée de distribuer les bons et les mauvais points, la transparence et le partage de l’information sont des principes qui animent notre démarche donc nous souhaitons que les éléments qui suivent vous permettront de faire le tri, des choix informés et de privilégier les marques qui vous permettent de les faire.
on estime que 60% du polyester recyclé utilisé dans le textile est en réalité du “pré consommation” et que seuls 15% du polyester produit annuellement est recyclé
le recyclé oui mais pré ou post-consommation ?
- on appelle recyclé post-consommation les fibres que l’on a tirées de déchets ayant eu au moins une première vie, par exemple la bouteille plastique que l’on jette dans le bac jaune et qui est recyclée pour en faire du fil
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le recyclé pré-consommation, à l’opposé, provient des déchets générés durant un processus de production (chutes de matières ou excédents de production). ces rebuts peuvent être injectés dans une production de fibre textile et donner du Polyester qui pourra être appelé… recyclé - or il ne s’agit ni plus ni moins que de l’optimisation de processus industriels et ça n’a rien de nouveau.
on estime que 60% du polyester recyclé utilisé dans le textile est en réalité du “pré consommation” et que seuls 15% du polyester produit annuellement est recyclé (source : Textile Exchange “Preferred Fiber & Materials Market report 2022”)
dans le cas du “post-consommation”, si on souhaite l’utiliser en textile il est impossible de le faire tel quel : en général, on vient ajouter des fibres vierges (qui constituent jusqu’à 30 ou 40% du fil obtenu) afin d’atteindre la blancheur et la qualité requises par les marques
à notre connaissance, une seule marque de vêtements cyclistes est transparente à ce sujet en indiquant sur le descriptif de ses pages produits le % de pré et post consommation qui composent ses tissus recyclés, il s’agit des anglais Universal Colours
conclusion : si vous avez lu jusqu’ici vous comprenez que c’est beaucoup plus efficace commercialement d’écrire “T-shirt en polyester recyclé” plutôt que de prendre le temps d’expliquer ce qu’est le recyclé, voire d’indiquer qu’il s’agit de recyclé pré consommation.
confession : nous avons été surpris par le manque de connaissance de bon nombre de fabricants de tissus qui vendent du recyclé : quand nous leur demandons s’il s’agit de pré ou post consommation, ils ne savent pas toujours et même leur fournisseur de fils ont du mal à nous répond
le recyclé est-il meilleur pour la planète que les fibres vierges ?
on estime à 13% l’économie d’impact carbone d’un recyclé par rapport à son cousin vierge
NB : nous parlons ici exclusivement des fibres synthétiques (qui représentent environ 60% des fibres textiles produites dans le monde chaque année, loin devant les autres) et en particulier du polyester qui est l’une des fibres principales que l’on utilise dans la confection de vêtements techniques (dont les vêtements vélo).
les fibres synthétiques sont des produits de l’industrie pétrolière dont elles absorbent 1% de la production mondiale annuelle.
recycler le polyester évite au moins les étapes d’extraction et de raffinage du pétrole, cependant, selon un article très complet écrit par Loom sur son blog “la mode à l’envers" on estime à 13% l’économie d’impact carbone d’un recyclé par rapport à son cousin vierge, c’est déjà ça comme mais c’est loin d’être miraculeux !
pourquoi ?
- la matière première constitue entre 30% et 40% de l’impact carbone d’un vêtement (20 à 30% pour sa fabrication, 10% son transport, 20 à 30% son utilisation et 5 à 10% sa fin de vie) or pour un vêtement en polyester recyclé, on ne fait “que” l’économie de la matière première
- près de 55% du polyester recyclé est produit en Chine et en Inde dont le mix énergétique est dominé par le charbon (l’Europe compte pour 20 à 25% de la production des fils de polyester recyclés) : ainsi la production d’1 kwh en Chine émet 0.76kg de CO2, 0.85 en Inde contre 0.06 en France (source ADEME) !
99% du recyclé post-consommation vient... des bouteilles en plastique !
50 millions de bouteilles plastiques recyclées chaque année à des fins de production textile.
recycler le polyester c’est bien mais en ce qui concerne le textile, on est loin de l’économie circulaire puisqu’on se sert de bouteilles usagées ou des chutes sur leur lieu de production pour en faire des vêtements alors qu’elles devraient être recyclées… en bouteilles (ce qui au passage permettrait de les recycler un grand nombre de fois alors qu’il est impossible de réinjecter les fibres d’un vêtement en polyester recyclé dans le circuit, les fibres étant souvent mélangées à d’autres (notamment l’élasthanne) ce qui rend extrêmement complexe leur séparation mécanique et donc quasi impossible, à date, de faire des jerseys neufs avec des vieux.
il faut donc quoi qu’il arrive produire à nouveau du plastique pour compenser les quelque 50 millions de bouteilles plastiques recyclées chaque année à des fins de production textile.
pour ceux qui veulent creuser le sujet et faire le tour des innovations qui permettraient de réaliser la boucle d’or “textile-to-textile” encore hors d’atteinte à date, nous recommandons cet article.
en conclusion, la clé c’est de réduire sa consommation et d’acheter des vêtements auxquels on tient et qui durent - d’ailleurs vous étiez 81% à nous dire que la longévité des produits était la clé d’une pratique plus durable.
on a du mal à ne pas vous donner raison !